L’Affaire Baby-Loup

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L’Affaire Baby-Loup est en fait une question de laïcité… Mais qu’est-ce que c’est ?…

 Nous allons vous présenter dans le cadre de Mission Laïcité l’affaire Baby-Loup posant le problème du port du voile en France cette affaire débute le 7 septembre 2008 concernant une employée de la crèche Baby-Loup, Fatima Afif. La crèche Baby-Loup est un établissement privé à Chanteloup-Les-Vignes fondé en 1991. Fatima se présente à son travail après un long congé mais problème ; elle porte le voile islamique. A la suite, elle est convoquée à un entretien au vu de son licenciement.Fatima se sent discriminée par sa confession religieuse. Dès lors, les médias et la presse s’empare de l’affaire et semble remettre en cause toutes les lois concernant la laïcité de la France. Certains penchent pour une discrimination religieuse et d’autres encore sur le fait de ne pas montrer son visage entièrement et de peur de gêner à l’éducation des jeunes enfants et à leur psychologie. De ce fait, nous pouvons donc nous demander si ce port du voile leur a déplu.

Ont-ils été choqué ou étonné ?

Cela les-a-t-il dérangé ?

Et surtout, est-ce que le port du voile remet en cause les principes de la laïcité ?

 Nous allons donc dans une première partie placer le contexte de l’affaire Baby-Loup en mettant en avant le rôle de laïcité et ses conséquences dans les communautés. Nous allons ensuite étudier les enjeux qu’entraîne cette affaire notamment la revendication des libertés. Enfin, nous analyserons la justification de la démarche juridique et comment la loi et la religion peuvent s’entendre. Clémentine va vous présenter les principes de la laïcité en France.

        La laïcité est un principe « qui exclut les Églises de l’exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l’organisation de l’enseignement. » C’est-à-dire que l’État veut se décharger de tous rapprochements avec la religion, n’en subventionne aucune pour garder une certaine neutralité et laisser la liberté de culte et une liberté de conscience à chacun d’entre nous. La mise en place de cette notion se fait une première fois lors de la première séparation de l’Église et de l’État en 1789 puis en 1905 avec la seconde séparation. Si on veut résumer, ce principe interdit tout simplement le port de signes ostentatoires tels que le voile et tout autre objet à connotation religieuse un peu trop voyante si on peut dire. Ici, le signe qui a posé problème est le « hijab » (bien sûr il y a plusieurs autres formes de voiles mais c’est celui-ci qui nous intéresse pour notre affaire). Il faut préciser qu’il ne laisse voir que l’ovale du visage. Si ce port religieux crée un conflit c’est parce que même si le port d’un tel signe n’est pas interdit dans un lieu privé, l’entreprise peut l’interdire selon plusieurs critères, l’entreprise doit prouver qu’il y a une entrave aux règles (en terme de sécurité ou d’hygiène par exemple).

Maintenant présentons le débat qui a agité Chanteloup-Les-Vignes, ville très pauvre d’Ile-de-France.

 Baby-Loup a été fondé en 1991 avec pour but de permettre l’intégration professionnelle des mamans de la région qui ont la capacité grâce à cette crèche privée, de faire garder leurs enfants à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, quel que soit le jour de la semaine, c’est donc un réel centre d’accueil d’urgence. Les enfants accueillis sont compris dans une tranché d’âge assez étendu : de 2 mois à 9 ans. C’est ce qui fait la particularité de Baby-Loup qui est donc contraint à davantage de sécurité, un devoir de respect total du règlement intérieur. Notons que la majorité de la population étant de religion musulmane, une évolution territoriale s’est faire ressentir : en effet, on accorde beaucoup plus d’importance à cette religion comme le fait remarquer Natalia Baleato, la directrice de la crèche qui a remarqué un changement de comportement de certaines de ses salariées qui imposaient quasiment leurs habitudes religieuses « nourriture, manches non relevées pour laver, nettoyer… ».

C’est dans ce contexte qu’eut lieu le licenciement de Fatima Affif, mère de cinq enfants, qui après cinq ans de congés maternité revient portant le hijab. Il faut ici rappeler que le règlement intérieur stipulait qu’il était impératif de « laisser dehors les signes distinctifs » comprenant donc le voile islamique ». Donc comme nous l’avons déjà mentionné, même si le cadre privé de la crèche n’impose pas la laïcité dans l’enceinte de cet établissement, on sait que si celui-ci prend la décision d’imposer la laïcité en son sein, pour des raisons de sécurité comme c’est le cas ici, il est dans son plein droit. Bien sûr il faut qu’il le précise formellement dans son règlement intérieur, ce qui fait de Fatima Afif, ici une personne informée qui ne respecte pas le règlement intérieur.

Et là, on peut vraiment dire qu’on assiste à un double-conflit : un de personnes et un de valeurs.

Un conflit de personnes car trois cibles sont visibles :

  • la salariée, l’accusée et licenciée
  • la directrice de la crèche, la responsable de l’accusation
  • les usagers, parents et enfants qui, d’une part assistent à ce changement physique de la part de l’assistante maternelle, et d’autre part au départ de cette employée que les enfants avaient l’habitude de côtoyer.

Un conflit de valeurs car des principes et des droits sont bafoués dans les deux camps : celui de « l’entreprise » (avec le non-respect du règlement assigné à l’établissement), celui de conscience des enfants (qui subissent ces changements lapidaire), celui de la salariée également (qui exploite sa propre liberté : de conscience et de religion ou de culte).

Nous en avons terminé pour la présentation du contexte général de notre sujet. Je vous laisse maintenant avec Clémentine qui vous présente les enjeux de cette affaire.

Nous allons voir qu’il y a différents enjeux dans cette affaire. Tout d’abord une liberté de culte revendiquée puisqu’en effet Fatima Afif en portant le hijab au sein de la crèche Baby-Loup dévoile son appartenance ainsi que ses convictions religieuses. Elle se confronte alors a des répercussions de la part de son employeur Natalia Baleato ainsi qu’à la loi, de l’État. Elle n’accepte pas le fait que le port du voile islamique pose un problème et est licenciée pour « faute grave ». Puis rappelons aussi qu’il y a l’enjeu de la laïcité qui est présentée comme une grande part de la liberté qui est garantie aux citoyens depuis la Séparation de l’Église et de l’État qui d’ailleurs ne favorise aucun culte et n’en subventionne aucun; il est donc neutre. La France certifie le libre exercice des cultes pour ceux qui en pratiquent un et de ce fait la laïcité ne semble pas être considérée comme une entrave à la liberté religieuse. Des films comme Les Héritiers de Marie-Castille Mention-Schaar ou encore Wadjda d’Haifaa al-Mansour mettent en scène le poids de la religion face à des instances publiques et laïques comme par exemple dans un établissement scolaire. De plus, nous avons réalisé un sondage auprès de personnes âgées de 15 à 18 ans portant sur le port du voile et la laïcité en France. Nous leur avons demandé quels sont les voiles tolérés en France et la majorité a répondu le hijab* ce qui est véridique. Or,nombreux sont ceux qui ont affirmé que la burqa en faisait partie ce qui est faux : la burqa* ou également appelé voile intégral est interdit en France depuis la loi du 11 octobre 2010. Mais, cela s’explique également par un port régulier constaté de ce voile qui rappelons le est passible d’une amende de 150 euros.

Un nouvel enjeu qui n’est pas présenté dans l’Affaire Baby-Loup est celui de la liberté de conscience des enfants et des parents qui sont rappelons le les premiers concernés étant donné que l’employée était à leur contact.

Je vous laisse maintenant avec Ludivine qui va expliquer la démarche juridique de cette affaire.

 Selon l’arrêt n°612 du 25 juin 2014 rédigé par la Cour de Cassation :

« Une entreprise ne peut s’ériger en entreprise de conviction afin d’appliquer des principes de neutralité. Les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir…»

Baby-Loup pouvait imposer une obligation de neutralité à son personnel dans l’exercice de ses tâches notamment l’interdiction de porter tous signes ostentatoire de religion au motif de la nécessité de protéger la liberté de penser, de conscience et de religion à construire pour chaque enfant. Une entreprise a le droit d’imposer dans son règlement intérieur de manière générale et indifférenciée une neutralité vestimentaire, cela n’instaure pas de différence de traitement directement fondée sur la religion ou sur les convictions au sens de la directive. Cependant l’activité qu’elle exerce est d’ordre générale donc nous pourrions la considérer comme publique. Néanmoins la liberté religieuse peut-être considérée comme un principe fondamentale et comme la loi encadre la liberté, il y a donc nécessité d’établir des limites. Selon le magistrat, le règlement intérieur de la crèche peut poser des restrictions au regard des missions de ses salariés qui travaillent au contact des enfants et d’un public multiculturel. L’interdiction du voile islamique faite à ses salariés par l’association Baby-Loup est justifiée par la nature de son activité et du public pris en charge. La Cour de Cassation a émis le même jugement quant au licenciement de la salariée, l’activité et le public touchés justifient la restriction du port de signes religieux. Le 14 mars 2017, la Cour de Justice de l’Union Européenne prend la décision d’étendre l’interdiction du port du signe religieux sans distinction de religion quelconque en entreprise puisqu’ils autorisent les employeurs à les interdire dans leur établissement

      Pour conclure, nous voyons bien que l’Affaire Baby-Loup est un réel double conflit qui fut très sensible, parce que la loi a dû être lue de façon très attentive pour ne pas réaliser de faux jugements et des sentences injustes. Ce qui a donc entraîné de longs démêlés judiciaires dans lesquels s’affrontent les nombreuses valeurs, libertés et les multiples droits de chacun. L’aspect social est également touché: se confrontent des personnes, certes, qui n’ont pas le même mode de vie mais qui aspirent toutes deux, à une certaine prospérité économique « dans les meilleures conditions possibles ». Tout cela nous amène à dire que l’Affaire Baby-Loup n’a pas réellement mis en doute le principe de laïcité mais a plutôt permis au contraire de le préciser, de le clarifier, de montrer en quoi la France a une réelle volonté de respecter les valeurs et les principes de chacun mais aussi ceux de la République.

Bibliographie & Sitographie:

La Parisien.fr , Une victoire pour la Crèche Baby-Loup, 28 novembre 2013:

 Le Monde.fr, Crèche Baby-Loup: la justice annule le licenciement de l’employée voilée, 19 mars 2013:
 
France info.fr, VIDEO:  » On a été légitimé dans notre travail » selon la directrice de la Crèche Baby-Loup, 25 juin 2014:
 
   Danièle Lochak,Le Haut Conseil à la (dés)intégration,  éditeur GISTI, avril 2011, n°91, pages 12-15:
 
   Bénédicte Delaunay/Jean-François Monteils/Luc Rouban/Antoine Fouilleron/Jean-Luc Pissaloux/Dider Supplisson,Chronique de l’administration, éditeur ENA, mars 2014, n°151-152,pages 843-878:
 
  Lionel Honore, auteur invité Le management à l’épreuve de la religion, éditeur ARIMHE, avril 2014, n°13, pages 54-67:
 
    Le Monde.fr, L’Affaire Baby-Loup en quatre questions, 27 novembre 2013 et mis à jour le 25 juin 2014:
 
   Jean Quatremer, correspondant à Bruxelles, Port du voile en entreprise: la Cour de justice européenne pose un nouveau cadre ,14 mars 2017:
 
 
    Franck Johannès, Le Monde.fr, Baby-Loup : la Cour de cassation confirme le licenciement de la salariée voilée, 25 juin 2014 et mis à jour le 26 juin 2014:
 
    Ouest France, publication,  27 novembre 2013, Baby-Loup. Une crèche au coeur du débat sur la laïcité depuis 5 ans:
 Compte rendu par Carlotta Gracci, débat co-organisé par l’IESR et l’IRENE, 9 Mai 2014, Bâtiment Le France « Identités et religions_ Étude des nouveaux enjeux_Débat : « Le cas de la crèche Baby-Loup : Une question de laïcité » co-organisé par l’IESR et IRENE »:
 
    Article de Memento Mouloud, Article web sur L’affaire de la crèche Baby-Loup : prends le voile et tire-toi, 8 novembre 2010:
 Intervention de Jacques Lafouge (CLR), « La laïcité et la loi de 1905 » (Metz et Nancy, 25 et 26),  novembre 2005:
 
Maître Anthony Bem, le droit au respect de la vie privée: définition, conditions et sanctions, 4 janvier 2015:
 
Atlantico, 63% des Français ne s’identifient à aucune religion, 21 juillet 2016:
 
Gil Mihaely, Laïcité: »La décision de la Cour européenne aurait aidé Baby-Loup, Causeur.fr, 15 mars 2017:
 
 
Rapport de Monsieur Truchot, conseiller, Arrêt n°612 du 25 juin 2014 (13-28.369)-Cour de cassation-Assemblée Plénière- ECLI:FR:CCASS:2014:AP00612, 25 juin 2014:

 

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